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Col de Peyresourde

  • Altitude : 1569 mètres
  • Département : Haute Garonne (31)
  • Région : Languedoc Roussillon-Midi Pyrénées
  • Catégorie : 1

Montée depuis Bagnères de Luchon :

Distance : 13,7 km – Dénivelé : 919 mètres – Pente moyenne : 6,7 % - Pente maximale : 9 %

  • Longueur : 3/5
  • Paysage : 3/5
  • Difficulté : 3/5
  • Trafic : 2/5

11/20

Location vélo : Luchon Cycling à Bagnères de Luchon

Situé à la frontière entre la Haute Garonne et les Hautes Pyrénées, le col de Peyresourde qui signifie en gascon « la pierre qui jaillit » permet de faire communiquer les vallées d’Aure et du Louron. Cet incontournable du Tour souvent placé en début d’étape lors des 68 passages de la grande boucle est assez fréquenté jusqu’à Garin et présente un intérêt limité par rapport aux merveilles de la région que ce sont le Col de Menté ou le col d’Aspin également référencés en 1ère catégorie.

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Le versant est depuis Bagnères de Luchon constitue le versant le plus connu car le plus emprunté par le Tour. Les premiers kilomètres qui longent l’One offrent une large route en parfait état, très fréquentée qui se dirige vers l’ouest. Alors que la pente se redresse après le passage du pont de Debach, la route oblique sur la droite puis dessine trois lacets qui traversent l’embouchure de l’Oueil qui dévale du Mont Né. En quittant la jonction avec la route D 51 qui permet d’atteindre le sommet du Port de Balès par son versant sud, vous atteignez Saint-Auventin (929m) et sa magnifique église romane au kilomètre 5 au prix d’un bel effort puisque la pente affiche 8% de moyenne sur le kilomètre précédant l’entrée dans le village.

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Le pourcentage moyen s’adoucit à 5% pendant un kilomètre le temps de traverser Saint-Auventin avant de remonter à l’approche de Castillon de Larboust (978 m) que l’on laisse sur la gauche. La bifurcation avec la route D 76 qui mène au lac d’Oô marque l’entrée dans Cazeaux de Larboust (995 m) et sa paroisse du XVème siècle.

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Suite à ce nouveau replat, la pente augmente à nouveau annonçant la reprise des difficultés sur une route toujours aussi rectiligne qui mène à Garin (1100 m) que l’on atteint après 8 kilomètres d‘efforts. Sa traversée permet une nouvelle fois de souffler selon un schéma désormais bien connu (forts pourcentages entre les villages, replats lors des traversées) et de franchir la barre des 1000 mètres. On aperçoit sur la droite la chapelle Saint-Pré de la Moraine, joyau de l’art roman, dont la construction a été initiée au Xème siècle et achevée au XIème.

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Nettement plus difficile, la seconde partie de l’ascension présente un pourcentage moyen qui flirte avec les 8% et décrit un ensemble toujours aussi rectiligne. A la sortie de Garin, la route reprend inlassablement sa trajectoire linéaire en direction du carrefour des Agudes. J’ai eu la désagréable surprise de découvrir une chaussée en travaux très gravillonneuse me faisant craindre un risque de crevaison entre la bifurcation avec la D76B qui mène à Peyragudes par les Agudes au kilomètre 9,3 et la jonction avec la route qui mène à Portet de Luchon au kilomètre 12,7. Cette interminable ligne droite aux pourcentages réguliers (autour de 8%) permet néanmoins d’apprécier les alpages de la vallée du Larboust en contre bas sur la droite et annonce un final à la hauteur de la notoriété de Peyresourde.

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Débute alors la partie la plus intéressante de cette ascension jusque-là bien monotone sur une route à nouveau en parfait état à partir du kilomètre 12,7. Trois grands lacets très Alpestres concluent cette montée en livrant un panorama magnifique sur la vallée de Luchon et ses montagnes pelées. Quelques arbres jalonnent le final de cette ascension un peu frustrante malgré un final digne des sommets pyrénéens. C’est dans ces lacets que Michael Rasmussen et Alberto Contador avaient livré un numéro surréaliste dans les motos lors du Tour 2007 (cf Tignes).

Le sommet du col à 1569 mètres d’altitude dévoile une perspective sur la vallée du Louron et le lac de Genos. On devine la Pêne de la Soulit (2031 m) au nord et le sommet de Pouyaue (2062 m) à l’ouest. Il est alors possible de plonger 3 kilomètres plus bas sur la gauche en direction de Peyragudes pour s’offrir le final de l’étape du Tour 2017 remportée par Romain Bardet.

Peyresourde est au final une ascension un peu décevante malgré sa grande notoriété liée à sa présence répétée dans le Tour de France. Son profil désespérément linéaire et sa circulation automobile dans sa première moitié gâchent une partie du plaisir malgré un final à la hauteur de sa réputation d’incontournable des Pyrénées.

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Le pêché de Bernard Hinault (13 juillet 1986)

La 13ème étape du Tour 1986 qui mène les coureurs de Pau à Superbagnères sent le soufre. Cette impression n’est nullement liée au fait qu’il s’agisse de la première arrivée au sommet de cette édition mais est en lien avec le coup de force de Bernard Hinault qui la veille a piégé Greg Lemond en attaquant à 90 kilomètres de l’arrivée malgré la promesse de l’aider à gagner le Tour l’année précédente. Ne pouvant rouler derrière son équipier, l’américain se trouve relégué à 5’25 du français qui endosse le maillot jaune à Pau. De nombreux observateurs affirment que le blaireau a déjà gagné son 6ème Tour de France.

Cette étape reine propose le Tourmalet, l’Aspin, le Peyresourde dans le sens inverse du tryptique pyrénéen habituel puis la montée finale vers Superbagnères. Le premier coup de théâtre survient avant même le départ de Pau puisque Laurent Fignon, malade, abandonne.

Dès le Tourmalet, plusieurs grands leaders comme Stephen Roche, Charly Mottet ou Pedro Delgado sont lâchés. Mais le plus improbable ne s’est pas encore produit. Bien que maillot jaune, Bernard Hinault qui possède une colossale avance de 5’25 qui lui permet d’envisager sereinement un 6ème sacre en se contentant de suivre Lemond attaque dans la descente du Tourmalet. Le breton prend rapidement 1’43 d’avance sur le peloton et file vers l’Aspin à la poursuite de son ancien équipier Dominique Arnaud auteur d’une échappe de 130 kilomètres.

Lemond se retrouve à nouveau piégé car personne ne prend la responsabilité de la poursuite parmi les adversaires du blaireau. Interrogé sur Antenne 2, Paul KOECHLI, le directeur de course de la Vie Claire, justifie le coup de folie d’Hinault par une volonté de faire travailler les adversaires de l’équipe de Bernard Tapie au profit de Lemond. Croit-il lui-même ce qu’il raconte ? Sur ce coup-là, le blaireau de l’histoire c’est Greg Lemond…

Pourtant en voulant cannibaliser le Tour, Hinault va tout perdre dans Peyresourde. Son pêché de vouloir enfoncer Lemond alors que le Tour est plié va lui couter la victoire à Paris. Les grands leaders Herrera, Millar, Hampsten, Zimmerman et Lemond vont collaborer dans cette ascension puis fondre sur le maillot jaune.

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Au sommet du col, le quintuple vainqueur du Tour ne possède plus que 25’’ d’avance sur ses adversaires qui opèrent la jonction dans la descente vers Luchon. Dès les premiers lacets de la montée vers Superbagnères, le breton craque, il ralliera l’arrivée en 11ème position à 4’39’’ du vainqueur.

La défaillance du maillot jaune signe la fin de l’entente entre Herrera, Millar, Hampsten, Zimmerman et Lemond. Hampsten place la première attaque. Alors que l’on attend une réaction d’Herrera, ce dernier s’arrête sur le bord de la route victime de crampes. C’est finalement Lemond qui se lance à la poursuite de son compatriote et équipier qu’il contre avant de gagner l’étape en solitaire.

En une seule étape le jeune américain a comblé l’immense retard qui le séparait du français et pointe désormais à la deuxième place du classement général à 40’’ de Bernard Hinault. Greg Lemond prendra le premier jaune de l’histoire pour un américain en attaquant dans la descente de l’Izoard quelques jours plus tard avant de gagner le premier de ses 3 Tours de France dans une atmosphère devenue irrespirable.

« Hinault/Lemond et Prost/Senna »

Pour mieux comprendre Peyresourde, il convient de revenir en arrière quelques instants. La cohabitation Hinault/Lemond à la vie Claire en 85-86 est l’équivalent de la cohabitation Prost/Senna chez McLaren en 88-89. Une première saison d’entente cordiale malgré quelques tensions à laquelle fait suite une guerre interne la seconde année entre un immense champion de plus de 30 ans qui incarne la référence de son sport et un jeune coureur de moins de 30 ans immensément talentueux appelé à lui succéder.

La crispation de 1985 nait dans le choix de Lemond de quitter Guimard et l’équipe Renault fin 84. En effet, Hinault informe ses dirigeants de son souhait d’arrêter sa carrière après le Tour 1986 l’année de ses 32 ans. Il ne veut pas vivre une fin de carrière pathétique à la Merckx qu’il a côtoyé à ses débuts dans le peloton professionnel et veut partir au sommet. Malgré une approche auprès de Fignon, Tapie voit en Lemond le successeur du Breton et le pousse à quitter l’équipe de ses débuts. Les dollars promis et surtout la présence du prodige Fignon qui vient de gagner les Tours 83 (à la Walkowiak) et 84 (à la Merckx) dans son équipe finissent par convaincre l’américain qu’il n’a pas d’avenir chez Renault. Lemond n’a aucune chance de jouer un jour sa carte personnelle sur le Tour avec un coureur si talentueux, si fort et si proche en âge dans les pattes.

Dans l’esprit de Cyrille Guimard, Greg Lemond est programmé pour prendre la suite de Bernard Hinault au sein de la Régie Renault. Sentant le divorce consommé avec le quadruple vainqueur du Tour, Guimard a prévu de faire de Lemond le nouveau leader de son équipe. Mais la victoire surprise de Laurent Fignon sur le Tour 83 sur lequel Lemond n’est pas sélectionné va tout bouleverser.

Greg Lemond réalise sur les pentes de Luz Ardiden qu’il aurait gagné le Tour 85 s’il était resté dans l’équipe de Guimard affaiblie par le forfait de Fignon cet été-là. Ce 16 juillet, le maillot jaune Hinault est en difficulté et Lemond qui se trouve à l’avant de la course au marquage de Roche et Delgado est freiné par son directeur sportif qui l’empêche d’attaquer alors qu’il a les jambes pour gagner le Tour. Hinault si flamboyant en début d’épreuve connaît une traversée des Pyrénées délicate suite à sa chute dans le sprint de St Etienne. Cette étape qui est l’équivalent d’Estoril 88 pour Prost et Senna provoque la première tension au sein de la Vie Claire. Soucieux d’éteindre l’incendie, Hinault qui sent que ce 5ème Tour peut lui échapper « verrouille » Lemond en lui promettant de l’aider à gagner le Tour l’année suivante. Lemond qui réalise avoir été manipulé par l’équipe est furieux. Mais la promesse du blaireau fait office de garantie pour l’année suivante et l’américain reste sage dans la roue du français jusqu’à Paris pour finir la compétition à la deuxième place avec le maillot du combiné sur les épaules.

« La promesse de Bernard Hinault »

Mais lors de la première étape de montagne du Tour 1986, Hinault qui est moins affuté que l’année précédente piège à Pau un Lemond un peu trop naïf. L’américain qui est bien plus fort qu’en 85 n’est pas mis au courant de cette soi-disant tactique et le fait savoir avec véhémence le soir à l’hôtel. La guerre est déclarée, cette étape est le « Imola 89 » de Prost/Senna.

Le lendemain, Hinault repart à l’attaque et Lemond est une nouvelle fois piégé. Le directeur sportif évoque au micro d’Antenne 2 une stratégie que manifestement Lemond ignore à nouveau. L’américain qui n’a pas été consulté n’aurait jamais donné son accord pour une telle opération. L’opposition qui est moins relevée que l’été précédent n’est pas en mesure de mener la charge. Rouge de colère sur son vélo, Lemond est en train de revivre 1985.

Bernard Hinault qui cherche le KO n’a plus ses jambes de la première moitié des années 80 et finit par s’écrouler tout en pensant à Oscar Wilde qui rappelait que lorsque l’on perd sa jeunesse, on perd tout. Le breton ne perdra heureusement que son maillot jaune et ne connaitra pas un 6ème sacre. Mais le blaireau déclare à Paris de façon très surprenante au monde du vélo qu’il a aidé Greg Lemond à gagner son premier Tour. Il est le philanthrope sacrifié au panache sans égal et Lemond un petit vainqueur illégitime sans envergure. L’américain fulmine.

Bernard Hinault manipule une nouvelle fois le californien sur les pentes de l’Alpe d’Huez. Faisant croire à Lemond qu’il ne l’attaquera plus d’ici Paris, il invite le maillot jaune à prendre sa roue dans les 21 lacets pour le protéger des spectateurs. Hinault sent ce jour-là qu’il est moins bien que Lemond et se protège ainsi d’une attaque décisive du maillot jaune. Mais à l’arrivée à l’Alpe sur le plateau de Jacques Chancel dans l’émission « à chacun son tour », Hinault déclare une Heineken à la main devant un Lemond médusé que le Tour n’est pas fini et qu’il fera le dernier contre la montre à fond : le divorce est consommé entre les 2 champions.

Ces 2 tours face au plus grand coureur de l’histoire auront terriblement marqué Lemond sur le plan psychologique mais se révéleront précieux pour l’américain lors de sa victoire de 1989 face à Laurent Fignon puis celle de 1990 face à Claudio Chiappucci.

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